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BABIOLE.

guides s’étant égarés, ils arrivèrent tous dans une grande et fameuse ville qu’ils ne connaissaient point ; mais ayant aperçu un beau jardin, dont la porte était ouverte, ils s’y arrêtèrent et firent main basse partout, comme en pays de conquête ; l’un croquait des noix, l’autre gobait des cerises, l’autre dépouillait un prunier ; enfin il n’y avait si petit singenot, qui n’allât à la picorée, et qui ne fît magasin.

Il faut savoir que cette ville était la capitale du royaume où Babiole avait pris naissance ; que la reine sa mère, y demeurait, et que depuis le malheur qu’elle avait eu de voir métamorphoser sa fille en guenuche, par le bouquet d’aubépine, elle n’avait jamais voulu souffrir dans ses États ni guenon, ni sapajou, ni magot, enfin rien qui pût rappeler à son souvenir la fatalité de sa déplorable aventure. On regardait là un singe comme un perturbateur du repos public : de quel étonnement fut donc frappé le peuple en voyant arriver un carrosse de carte, un chariot de paille peinte, et le reste du plus surprenant équipage qui se soit vu depuis que les contes sont contes et que les fées sont fées.

Ces nouvelles volèrent au palais, la reine demeura transie, elle crut que la gente singenotte voulait attenter à son autorité. Elle assembla promptement son conseil ; elle les fit condamner tous comme criminels de lèze-majesté, et, ne voulant pas perdre l’occasion de faire un exemple assez fameux pour qu’on s’en souvînt à l’avenir, elle envoya ses gardes