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BABIOLE.

d’un nombre considérable de singes, s’avança vers le chariot des guenuches, et, donnant la patte à la grosse guenon, appelée Gigogna, il l’en fit descendre ; puis lâchant le petit Perroquet, qui devait lui servir d’interprète, il attendit que ce bel oiseau se fût présenté à la reine et lui eût demandé audience de sa part.

Perroquet s’élevant doucement en l’air, vint sur la fenêtre d’où la reine regardait, et lui dit d’un ton de voix le plus joli du monde : « Madame, monseigneur le comte de Mirlifiche, ambassadeur du célèbre Magot, roi des singes, demande audience à Votre Majesté, pour l’entretenir d’une affaire très-importante. — Beau Perroquet, lui dit la reine en le caressant, commencez par manger une rôtie et buvez un coup ; après cela je consens que vous alliez dire au comte Mirlifiche qu’il est le très-bienvenu dans mes États, lui et tout ce qui l’accompagne. Si le voyage qu’il a fait depuis Magotie jusqu’ici ne l’a point trop fatigué, il peut tout à l’heure entrer dans la salle d’audience, où je vais l’attendre sur mon trône avec toute ma cour. »

À ces mots, Perroquet baissa deux fois la patte, battit la garde, chanta un petit air en signe de joie ; et reprenant son vol, il se percha sur l’épaule de l’ambassadeur Mirlifiche et lui dit à l’oreille la réponse favorable qu’il venait de recevoir. Mirlifiche n’y fut pas insensible, il fit demander à un des officiers de la reine par Margot la pie, qui s’était érigée en sous-interprète, s’il voulait bien lui donner une chambre pour se délasser pendant quelques moments. On ouvrit aussitôt un salon pavé de marbre peint et doré, qui était des plus propres du palais ; il y entra avec une partie de sa suite ; mais comme les singes sont grands fureteurs de leur métier, ils allèrent découvrir un certain coin dans lequel l’on avait arrangé maints pots de confiture. Voilà mes gloutons après : l’un tenait une tasse de cristal pleine d’abricots, l’autre une bouteille de sirop, celui-ci des pâtes, celui-là des massepains. La gente volatile, qui faisait cortége, s’ennuyait de voir un repas où elle n’avait ni chènevis ni millet ; et un geai, grand causeur de son métier, vola dans la salle d’audience, où, s’approchant respectueusement de la reine : « Madame, lui dit-il, je suis trop serviteur de Votre Majesté, pour être complice bénévole du dégât qui se fait de vos très-douces confitures. Le comte Mirlifiche en a déjà mangé trois boîtes pour sa part ; il croquait la quatrième, sans aucun respect de la majesté royale, lorsque, le cœur pénétré, je vous en suis venu donner avis. — Je vous remercie, petit Geai mon ami, dit la reine en souriant ; mais je vous dispense d’avoir tant de zèle pour

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