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La princesse parut fort contente de la galanterie du prince ; elle loua beaucoup cet impromptu, et quoiqu’elle ne fût pas accoutumée à entendre des vers, elle en parla en personne de bon goût. La reine, qui ne la souffrait vêtue en bergère qu’avec impatience, la toucha, lui souhaitant les plus riches habits qui se fussent jamais vus ; en même temps sa toile blanche se changea en brocart d’argent, brodé d’escarboucles ; de sa coiffure élevée, tombait un long voile de gaze mêlé d’or ; ses cheveux noirs étaient ornés de mille diamants ; et son teint, dont la blancheur éblouissait, prit des couleurs si vives, que le prince pouvait à peine en soutenir l’éclat. « Ha ! Fortunée, que vous êtes belle et charmante ! s’écria-t-il en soupirant ; serez-vous inexorable à mes peines ?

— Non, mon fils, dit la reine, votre cousine ne résistera point à nos prières. »

Dans le temps qu’elle parlait ainsi, Bedou qui retournait à son travail, passa, et voyant Fortunée comme une déesse, il crut rêver ; elle l’appela avec beaucoup de bonté, et pria la reine d’avoir pitié de lui. « Quoi ! après vous avoir si maltraitée ! dit-elle.

— Ha ! madame, répliqua la princesse, je suis incapable de me venger. » La reine l’embrassa, et loua la générosité de ses sentiments. « Pour vous contenter, ajouta-t-elle, je vais enrichir l’ingrat Bedou » ; sa chaumière devint un palais meublé et plein d’argent ; ses escabelles ne changèrent point de forme, non plus que sa paillasse, pour le faire souvenir de son premier état, mais la reine des Bois lima son esprit ; elle lui donna de la politesse, elle changea sa figure. Bedou alors se trouva capable de reconnaissance. Que ne dit-il pas à la reine et à la princesse pour leur témoigner la sienne dans cette occasion.

Ensuite par un coup de baguette, les choux devinrent des hommes, la poule une femme ; le prince Œillet était seul mécontent ; il soupirait auprès de sa princesse ; il la conjurait de prendre une résolution en sa faveur : enfin elle y consentit ; elle n’avait rien vu d’aimable, et tout ce qui était aimable, l’était moins que ce jeune prince. La reine des Bois, ravie d’un si heureux mariage, ne négligea rien pour que tout y fût somptueux ; cette fête dura plusieurs années, et le bonheur de ces tendres époux dura autant que leur vie.