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ces sombres feuillages
Les oiseaux enchantés expriment leurs désirs.
Occupez-vous à les entendre ;
Et si votre cœur veut aimer,
Il est de doux objets qui peuvent vous charmer :
On fera gloire de se rendre.

Fortunée se tenait dans un petit coin, n’osant remuer, tant elle était surprise de toutes les choses qui se passaient. Au bout d’un moment, cette grande reine dit à l’un de ses écuyers : « Il me semble que j’aperçois une bergère vers ce buisson, faites-la approcher. » Aussitôt Fortunée s’avança, et quelque timide qu’elle fût naturellement, elle ne laissa pas de faire une profonde révérence à la reine, avec tant de grâce, que ceux qui la virent en demeurèrent étonnés ; elle prit le bas de sa robe qu’elle baisa, puis elle se tint debout devant elle, baissant les yeux modestement ; ses joues s’étaient couvertes d’un incarnat qui relevait la blancheur de son teint, et il était aisé de remarquer dans ses manières cet air de simplicité et de douceur, qui charme dans les jeunes personnes. « Que faites-vous ici, la belle fille, lui dit la reine, ne craignez-vous point les voleurs ? — Hélas ! madame, dit Fortunée, je n’ai qu’un habit de toile : que gagneraient-ils avec une pauvre bergère comme moi ? — Vous n’êtes donc pas riche ? reprit la reine en souriant. — Je suis si pauvre, dit Fortunée, que je n’ai hérité de mon père qu’un pot d’œillets et un jonc d’argent. — Mais vous avez un cœur, ajouta la reine, si quelqu’un voulait vous le prendre, voudriez-vous le donner ? — Je ne sais ce que c’est que de donner mon cœur, madame, répondit-elle, j’ai toujours entendu dire que sans son cœur on ne peut vivre, que lorsqu’il est blessé il faut mourir, et malgré ma pauvreté, je ne suis point fâchée de vivre. — Vous aurez toujours raison, la belle fille, de défendre votre cœur. Mais, dites-moi, continua la reine, avez-vous bien soupé ? — Non, madame, dit Fortunée ; mon frère a tout mangé. » La reine commanda qu’on lui apportât un couvert, et, la faisant mettre à table, elle lui servit ce qu’il y avait de meilleur.

La jeune bergère était si surprise d’admiration, et si charmée des bontés de la reine, qu’elle pouvait à peine manger un morceau.

« Je voudrais bien savoir, lui dit la reine, ce que vous venez faire si tard à la fontaine ? — Madame, dit-elle, voilà ma cruche, je venais quérir de l’eau pour arroser mes œillets. » En parlant ainsi, elle se baissa pour prendre sa cruche qui était auprès d’elle ; mais lorsqu’elle la montra à