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il craignoit encore qu’elle ne la révoquât. Il lui fit connoître l’envie qu’il avoit de partir : la Bête lui répondit qu’il ne partiroit que le lendemain. Tu trouveras, lui dit-elle, un cheval prêt, dès qu’il fera jour. En peu de tems il te mènera. Adieu, va souper, & attend mes ordres.

Ce pauvre homme plus mort que vif, reprit le chemin du sallon dans lequel il avoit fait si bonne chere. Vis-à-vis d’un grand feu son soupé déjà servi l’invitoit à se mettre à table. La délicatesse & la somptuosité des mets n’avoient plus rien qui le flâtassent. Accablé de son malheur, s’il n’eût pas craint que la Bête cachée en quelque endroit ne l’eût observé, s’il eût été sûr de ne pas exciter sa colere, par le mépris qu’il eût fait de ses biens, il ne se seroit pas mis à table. Pour éviter un nouveau désastre, il fit un moment