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pourquoi elle battait son enfant, au point qu’on l’entendait de la rue.

La bonne femme eut honte d’avouer la paresse de sa fille, et dit :

« Je ne peux lui faire quitter le rouet ; elle veut toujours filer, je suis pauvre, et ne puis acheter une telle quantité de lin !

— Je n’aime rien tant que de voir nier, répondit la reine, et je ne suis jamais si gaie qu’en entendant tourner les rouets ; donnez-moi votre fille pour l’amener au château j’ai assez de lin pour qu’elle y file tant qu’elle voudra. ! »

La mère fut bien contente de ce langage, et la reine prit la fille avec elle.

Dès qu’elles furent arrivées au château, la reine conduisit la jeune fille dans trois chambres toutes remplies, du haut en bas, de lin magnifique.

« Maintenant, file-moi ce lin, dit-elle ; et si tu viens à bout de ta besogne, tu épouseras mon fils aîné ; quoique tu sois pauvre, je n’y regarderai pas de si près, car ton activité incessante est une assez belle dot. »

La jeune fille était mortellement effrayée : jamais elle n’eût su filer ce lin, quand elle eût vécu trois cents ans et se fût mise à filer du matin au soir. Lorsqu’elle fut seule, elle se prit à pleurer et resta ainsi trois jours sans remuer la main. Le troisième jour, la reine revint, et voyant que rien n’était filé encore, elle parut bien étonnée ; mais la jeune fille s’excusa sur la tristesse qu’elle éprouvait d’avoir quitté la maison de sa mère. La reine n’y trouva rien à redire ; seulement, en sortant, elle dit :

« Il faut pourtant que demain tu te mettes à la besogne ! »

Lorsque la jeune fille fut seule de nouveau, ne sachant où