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la véritable Eau de la vie, et ils la donnèrent au roi. À peine celui-ci en eut-il bu, qu’il sentit se dissiper, son mal, et redevint sain et fort comme dans sa jeunesse. Alors les deux fils aînés se rendirent près de leur frère, et lui dirent, en se moquant de lui :

« Tu as découvert l'Eau de la vie, mais tu n’as eu pour toi que la peine, et nous aurons la récompense ; tu aurais dû être plus sage et ne pas fermer l’œil ; nous t’avons pris l’eau de ton gobelet pendant le trajet sur mer que nous avons fait et où tu t’es endormi. Dans un an, l’un de nous deux ira chercher la belle princesse ; mais garde-toi bien de nous trahir, le roi ne croirait pas un mot de tes discours ; et si tu ouvres seulement la bouche, tu perdras la vie mais si tu te tais, nous t’en ferons cadeau. »

Le vieux roi était, en effet, très-irrité contre son jeune fils, à qui il attribuait la pensée d’avoir voulu le tuer. Il fit assembler toute la cour, et rendre un jugement, par lequel le pauvre prince était condamné à subir la mort secrètement.

Un jour que le prince était à la chasse, sans crainte ni souci d’aucune sorte, en compagnie du chasseur du roi, comme ils se trouvaient seuls dans la forêt et que le chasseur avait l’air triste, le prince lui dit tout surpris :

« Mon ami, qu’as-tu donc ?

— Je ne puis le dire, répliqua le chasseur, et pourtant je le dois !

— Parle toujours, reprit le jeune prince, je te pardonnerai.

— Hélas ! repartit le chasseur, il faut que je vous tue : c’est l’ordre exprès du roi. »

Le jeune homme, saisi d’effroi, s’écria :

« Mon bon chasseur, laisse-moi la vie ! Prends, je t’en prie, mon habit royal, et donne-moi le tien.