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avaient mis dans le berceau, à sa place, un nain avec une grosse tête et des yeux fixes, qui ne voulait que manger et boire.

La pauvre mère alla chez sa voisine, pour lui demander conseil.

La voisine dit qu’il fallait porter le nain dans la cuisine, le mettre sur le foyer, allumer du feu et faire bouillir de l’eau dans des coques d’œufs ; que cela ferait rire le nain, et que, dès qu’il rirait, il n’aurait plus de puissance.

La mère fit tout comme le lui avait conseillé la voisine et lorsqu’elle mit les coques avec l’eau sur le feu, le nain s’écria :

« Je suis aussi vieux que la forêt Noire,
Et jamais je n’ai vu bouillir de l’eau dans des œufs. »

Et il commença à rire. Il riait encore qu’une foule de petits hommes arrivèrent, mirent l’enfant de la pauvre mère sur le foyer et emportèrent le nain[1].

  1. Ce conte rappelle d’une façon frappante un chant breton, dialecte de Cornouaille, recueilli par M. de La Villemarqué dans son Barzaz-Breiz. « C’est, dit-il, une des traditions les plus populaires de l’Armorique. Le chant est un peu plus développé que le conte ; mais les circonstances et les paroles sont presque semblables. Seulement, dans la chanson bretonne, dès que le nain a parlé, it faut le fouetter, pour qu’il crie et que ses compagnons viennent l’enlever ; dans le conte allemand, il faut arriver à le faire rire en mettant bouillir de l’eau dans des coques d’œufs alors il perd sa puissance et les petits hommes l’emportent. Mais le refrain qui trahit le caractère surnaturel du nain exprime la même idée avec le même tour de part et d’autre. Le Korrigan s’écrie :
    « J’ai vu l’œuf avant d’avoir vu la poule blanche ; j’ai vu le gland avant de voir l’arbre. »
    « J’ai vu le gland et j’ai vu la gaule ; j’ai vu le chêne dans les bois de l’autre Bretagne, et je n’ai jamais vu pareille chose. »