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et fit préparer un lit superbe dans un magnifique appartement. Lorsqu’on eut apporté les matelas, elle y mit trois pois, l’un au pied du lit, un autre au milieu et le troisième au chevet ; puis on ajouta encore six matelas, puis les draps et les édredons. Quand tout fut prêt, elle conduisit la jeune fille dans cette chambre :

« Après une si longue marche, vous devez être fatiguée, mon enfant, dit-elle ; dormez bien : demain nous causerons plus amplement de tout cela. »

A peine faisait-il jour, que la reine monta à la tour où elle croyait la jeune fille plongée dans le plus profond sommeil ; mais celle-ci était tout éveillée.

« Comment avez-vous dormi, ma fille ? demanda la reine.

— Affreusement, répondit la princesse, je n’ai pas fermé les yeux de la nuit !

— Pourquoi donc, mon enfant ? Le lit n’était-il pas bien fait ?

— Jamais de la vie je n’ai couché dans un tel lit ; il était dur de la tête aux pieds, comme si j’avais été couchée sur des pois.

— Je vois bien, dit la reine, que vous êtes une vraie princesse. Je vais vous envoyer une toilette royale, des perles, des pierreries… Parez-vous comme une fiancée. Aujourd’hui même nous célébrerons le mariage qui doit vous unir à mon fils."[1]. »



  1. On sent dans ce petit récit, si naïf au premier abord, une pointe d’ironie bien originale. Le lecteur retrouvera dans plus d’un conte ce genre de bonhomie narquoise.