Page:Contes allemands du temps passé (1869).djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

art, continua l’autre, avant que je vous reconnaisse pour mon maître. »

En ce moment, un petit vieillard entra dans la forge, courbé par l’âge et demandant l’aumône.

« Avec ce vieillard, dit le Seigneur, je vais forger un jeune homme, si tu veux.

— Comme il vous plaira ! reprit le forgeron. Mais le vieux ne voudra pas se laisser faire.

— Cela ne fait pas de mal, » dit Jésus.

Il fit donc souffler le feu par saint Pierre, et quand le feu flamba de toute sa force, grand, immense, il saisit le bonhomme, le plongea dans la fournaise effrayante, au point qu’il devint rouge comme une rose; et là, il louait Dieu à haute voix. Le Seigneur ne le toucha qu’une fois seulement de son marteau; puis, avec les tenailles il le tira de hors du feu; et lorsqu’il eut fait couler sur lui assez d’eau pour le refroidir, Jésus le posa par terre transformé en jeune homme de vingt ans, mince et beau, avec des membres tout droits.

« Il y a au-dessus de ma porte, dit le forgeron, une inscription qui proclame qu’ici demeure le maître de tous les maîtres; mais pourtant j’avoue qu’on n’est jamais trop vieux pour apprendre encore. Je ne savais pas ce secret-là, mais maintenant que j’en ai vu l’épreuve, je saurai m’y prendre aussi bien que vous. Il est temps de dîner, restez chez moi, prenez place à ma table, nous reparlerons plus tard de notre art. Le jeune homme que vous avez forgé est invité avec vous. »

Le forgeron avait une vieille belle-mère bossue et presque sourde; elle se mit à côté du jeune homme et lui demanda si le feu l’avait brûlé bien fort. Il déclara que jamais il ne s’était senti plus à l’aise que dans ce feu ardent, où il lui semblait avoir le corps baigné d’une rosée délicieuse. Cela ne manqua pas de réjouir la bonne