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trant que les autres attacheraient très peu d’importance à une escapade qui jusqu’alors m’avait paru la chose la plus terrible; 2° en me faisant penser à l’Angleterre, ce qui donnait une direction à ma course, si je m’échappais. Sans doute cela ne faisait pas que j’eusse le moindre motif pour aller en Angleterre plutôt qu’ailleurs, ou que je pusse y espérer la moindre ressource : mais enfin, mon imagination était dirigée vers un pays plus que vers un autre. Cependant, je n’éprouvai d’abord qu’une sorte d’impatience de ce que le moment où ma décision était encore en mon pouvoir allait expirer ou plutôt de ce que ce moment était passé ; car nous devions monter en voiture d’abord après dîner, et il était probable que M. Benay ne me quitterait plus jusque-là. Comme nous sortions de table, je rencontrai le chevalier de la Roche, qui me dit en riant :

— Eh bien ! vous n’êtes pas encore parti?

Ce mot redoubla mon regret de n’être plus libre de le faire. Nous rentrâmes, nous fîmes nos paquets, la voiture vint, nous y montâmes. Je soupirai en me disant que pour cette fois tout était décidé, et je pressai avec humeur mes inutiles inu-