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Je me souviens encore de son nom que la circonstance où je l’ai vu pour la dernière fois (c’était ce jour-là, le 24 juin 1787) a gravé dans ma mémoire. Il s’appelait le chevalier de La Roche Saint-André, grand chimiste, homme à talents, jouant gros jeu et très recherché. Je l’abordai, et, plein que j’étais de ma situation, je le pris à part et je lui en parlai à cœur ouvert. Il m’écouta probablement avec assez de distraction comme je l’aurais fait à sa place.

Dans le cours de ma harangue je lui dis que j’avais quelquefois envie d’en finir en me sauvant :

— Et où donc? Me dit-il assez négligemment.

— Mais en Angleterre, répondis-je.

— Mais oui, reprit-il, c’est un beau pays, et on y est bien libre.

— Tout serait arrangé, lui dis-je, quand je reviendrais.

— Sûrement, répliqua-t-il, avec le temps tout s’arrange.

M. Benay s’approcha, et je retournai finir avec lui le dîner que j’avais commencé. Mais ma conversation avec M. De la Roche Saint-André avait agi sur moi de deux manières : 1° en me mon-