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foi. Mais j’avais enfilé cette route avec l’une et avec l’autre. J’avais donc avec Madame Pourras de longues conversations, tête à tête. Son amant en prit ombrage. Il y eut des scènes violentes, et Madame Pourras qui, ayant près de cinquante ans, ne voulait pas perdre cet amant qui pouvait être le dernier, résolut de le rassurer. Je ne me doutais de rien et j’étais un jour à faire à Madame Pourras mes lamentations habituelles, lorsque M. De Sainte-Croix — c’était le nom de l’amant — parut tout à coup et montra beaucoup d’humeur. Madame Pourras me prit par la main, me mena vers lui, et me demanda de lui déclarer solennellement si ce n’était pas de sa fille que j’étais amoureux, si ce n’était pas sa fille que j’avais demandée en mariage, et si elle n’était pas tout à fait étrangère à mes assiduités dans sa maison. Elle n’avait vu dans la déclaration exigée de moi qu’un moyen de mettre fin aux ombrages de M. De Sainte-Croix. J’envisageai la chose sous un autre point de vue, je me vis traîné devant un étranger pour lui avouer que j’étais un amant malheureux, un homme repoussé par la mère et par la fille. Mon amour-propre blessé me jeta dans un vrai délire. Par