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père qui m’annonçait un grand mécontentement. Je n’hésitai pas à risquer la chose. Je commençai, suivant l’usage, par écrire à la mère pour lui demander la main de sa fille. Elle me répondit fort amicalement, mais par un refus motivé sur ce que sa fille était déjà promise à un homme qui devait l’épouser dans quelques mois. Cependant, je ne crois point qu’elle considérât elle-même ce refus comme irrévocable ; car, d’un côté, j’ai su depuis qu’elle avait fait prendre en Suisse des informations sur ma fortune, et de l’autre, elle me donnait toutes les occasions qu’elle pouvait de parler tête à tête avec sa fille. Mais je me conduisis en vrai fou ! Au lieu de profiter de la bienveillance de la mère qui, tout en me refusant, m’avait témoigné de l’amitié, je voulus commencer un roman avec la fille, et je le commençai de la manière la plus absurde. Je n’essayai point de lui plaire ; je ne lui dis pas même un mot de mon sentiment. Je continuai à causer le plus timidement du monde avec elle quand je la trouvais seule. Mais je lui écrivis une belle lettre comme à une personne que ses parents voulaient marier malgré elle à un homme qu’elle