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j’éprouvai une émotion d’une nature tout à fait extraordinaire par sa tristesse et sa violence. C’était une sorte de pressentiment funeste que sa fin déplorable n’a que trop justifié.

De retour en Suisse, je passai de nouveau quelque temps à la campagne, étudiant à bâtons rompus et m’occupant d’un ouvrage dont la première idée m’était venue à Bruxelles, et qui, depuis, n’a jamais cessé d’avoir un grand attrait pour moi : c’était une histoire du polythéisme. Je n’avais alors aucune des connaissances nécessaires pour écrire quatre lignes raisonnables sur un tel sujet. Nourri des principes de la philosophie du xviiie siècle et surtout des ouvrages d’Helvétius, je n’avais d’autre pensée que de contribuer pour ma part à la destruction de ce que j’appelais les préjugés. Je m’étais emparé d’une assertion de l’auteur de l’Esprit, qui prétend que la religion païenne était de beaucoup préférable au christianisme ; et je voulais appuyer cette assertion, que je n’avais ni approfondie, ni examinée, de quelques faits pris au hasard et de beaucoup d’épigrammes et de déclamations que je croyais neuves.

Si j’avais été moins paresseux, et que je me