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tint pas à lui que je n’adoptasse le genre de vie le plus dissolu et le plus abject. Comme, indépendamment de tous ses vices, il était sans esprit, fort ennuyeux et très insolent, je me lassai bientôt d’un homme qui ne faisait que m’accompagner chez des filles et m’emprunter de l’argent, et nous nous brouillâmes. Il écrivit, je crois, à mon père, et il exagéra, je suppose, le mal qu’il y avait à dire de moi, quoique la vérité fût déjà très suffisante.

Mon père arriva lui-même à Paris et m’emmena à Bruxelles, où il me laissa pour retourner à son régiment. Je restai à Bruxelles depuis le mois d’août jusqu’à la fin de novembre, partageant mon temps entre les maisons d’Anet et d’Aremberg, anciennes connaissances de mon père, et qui, en cette qualité, me firent un très bon accueil, et une coterie de Genevois, plus obscure, mais qui me devint bien plus agréable.

Il y avait dans cette coterie une femme d’environ vingt-six à vingt-huit ans, d’une figure fort séduisante et d’un esprit fort distingué. Je me sentais entraîné vers elle, sans me l’avouer bien clairement, lorsque, par quelques mots qui me surprirent d’abord encore plus qu’ils ne me