Page:Constant - Le Cahier rouge, éd. Constant de Rebecque.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je débarquai dans un hôtel garni ; j’y fis connaissance avec un Anglais fort riche et fort libertin ; je voulus l’imiter dans ses folies, et je n’avais pas été un mois à Paris que j’avais des dettes par-dessus la tête. Il y avait bien un peu de la faute de mon père qui m’envoyait à dix-huit ans, sur ma bonne foi, dans un lieu où je ne pouvais manquer de faire fautes sur fautes. J’allai cependant à la fin loger chez M. Suard et ma conduite devint moins extravagante.

Mais les embarras dans lesquels je m’étais jeté en débutant eurent des suites qui influèrent sur tout mon séjour. Pour comble de malheur, mon père crut devoir me placer sous une surveillance quelconque, et s’adressa pour cet effet à un ministre protestant, chapelain de l’ambassadeur de Hollande. Celui-ci crut faire merveille en lui recommandant un nommé Baumier, qui s’était présenté à lui comme un protestant, persécuté pour cause de religion par sa famille. Ce Baumier était un homme perdu de mœurs, sans fortune, sans asile, un véritable chevalier d’industrie de la plus mauvaise espèce. Il tâcha de s’emparer de moi, en se mettant de moitié dans toutes les sottises que je voulais faire, et il ne