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Geertruydenberg [1]. Là, je devins, pour la première fois, amoureux. Ce fut de la fille du commandant, vieux officier, ami de mon père. Je lui écrivais toute la journée de longues lettres que je ne lui remettais pas : et je partis sans lui avoir déclaré ma passion, qui survécut bien deux mois à mon départ.

Je l’ai revue depuis : et l’idée que je l’avais aimée lui avait laissé un intérêt ou peut-être simplement une curiosité assez vive sur ce qui me regardait. Elle eut une fois le mouvement de me questionner sur mes sentiments pour elle ; mais on nous interrompit. Quelque temps après elle se maria et mourut en couches. Mon père, qui n’aspirait qu’à se débarrasser de M. May, saisit la première occasion de le renvoyer en Angleterre.

Nous retournâmes en Suisse où il eut recours, pour me faire prendre quelques leçons, à un M. Bridel, homme assez instruit, mais très pédant et très lourd. Mon père fut bientôt choqué de l’importance, de la familiarité, du mauvais ton du nouveau Mentor qu’il m’avait

  1. Voir Appendice IX, p. 112.