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VIII

EXTRAITS D’UNE LETTRE À SA GRAND’MERE.

Bruxelles, 19 novembre 1779.

Je voudrais vous dire de moi quelque chose de bien satisfaisant, mais je crains que tout se borne au physique. Je me porte bien et je grandis beaucoup. Vous me direz que si c’est tout, il ne vaut pas la peine de vivre ; je le pense aussi, mais mon étourderie renverse tous mes projets. Je voudrais qu’on pût empêcher mon sang de circuler avec tant de rapidité, et lui donner une marche plus cadencée. J’ai essayé si la musique pouvait faire cet effet, je joue des adagio, des largo qui endormiraient trente cardinaux, mais je ne sais par quelle magie ces airs si lents finissent toujours par devenir des prestissimo. Il en est de même de la danse. Le menuet se termine toujours par quelques gambades. Je crois, ma chère grand’mère, que le mal est incurable et qu’il résistera à la raison même. Je devrais en avoir quelque étincelle, car