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d’importance qu’on attachait alors à l’énonciation de toutes les opinions, et la tolérance qui distinguait cette époque.

Si l’on tenait aujourd’hui le quart d’un propos semblable, on ne serait pas une heure en sûreté. Nous arrivâmes à Berne où je laissai mon compagnon de voyage, et pris la diligence jusqu’à Neuchâtel ; je me rendis le soir même chez madame de Charrière. Je fus reçu par elle avec des transports de joie, et nous recommençâmes nos conversations de Paris. J’y passai deux jours, et j’eus la fantaisie de retourner à pied à Lausanne. Madame de Charrière trouva l’idée charmante, parce que cela cadrait, disait-elle, avec toute mon expédition d’Angleterre. C’eût été, raisonnablement parlant, une raison de ne pas faire ce qui pouvait la rappeler, et d’éviter ce qui me faisait ressembler à l’enfant prodigue.

Enfin, me voilà dans la maison de mon père et sans autre perspective que d’y vivre paisiblement. Sa maîtresse, que je ne connaissais pas alors pour telle, tâcha de m’y arranger le mieux du monde[1]. Ma famille fut très bien pour moi.

  1. Voir Appendice XXIII, p. 126.