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Héol a disparu. Voici déjà sur l’onde
Le gris avant-coureur de l’ombre plus profonde ;
Et nulle part encore un trait révélateur !
Pauvre Bélisana, qu’il marche avec lenteur
Le porteur attendu du suprême message !
« Le bras manquerait-il pour rapporter le gage ?
« Hélas, ô Gavr-Ynys, seul, bien seul est ton îlot !
« Allons, ma goëlette, interroger le flot ! »
La fille de Camma dit, gagne le rivage,
Pousse à l’eau son esquif et vogue vers la plage...
Mais à peine la rame active son effort,
Qu’un regard vigilant, sur la nappe qui dort,
Découvre à l’horizon l’ombre d’une nacelle.
O prêtresse d’Esus, serait-ce là-bas celle
Que la Gauloise cherche et que l’amante attend ?
La druidesse, pâle, hésite : est-ce l’instant,
L’instant où le malheur va confirmer sa crainte ?
Ou l’instant du triomphe ? Elle se sent atteinte
Jusqu’au fond de son âme, en proie à la terreur ;
Mais voici l’autre esquif ! Son sang s’arrête au cœur.
Oh ! quel est ce guerrier ! le héros ou son brave ?
Lentement, comme un bras, que retient une entrave,
Le bras du nautonier pousse à peine l’esquif.
Bélisana bondit, d’un geste convulsif
Laisse tomber sa rame, et, droite sur les ondes :
« Guerrier, guerrier, dis-moi ; que vite tu répondes ;
« Tu viens de la bataille ? Apportes-tu le gage ?
« Avons-nous triomphé ? Oh ! quel est ton message ?
« ... Suis-je donc abusée ? Oh ! Lez-Breiz, est-ce toi ? »
Et chevrette tremblante, image de la foi,
Qu’admire la forêt, et que d’un œil humide,
Regarde, en expirant sous le trait homicide,
L’élu, le cher amour, le cerf au noble bois,