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Les peuples sont ils fils de la fatalité ?
Pourquoi la haine est-elle où l’amour pourrait être ?
Car enfin, ce Romain n’est point un si vil être.
Vois ! ce jeune espion, sur le front, dans les yeux,
Bravant l’arrêt du sort et croyant à ses dieux,
Porte un noble rayon d’audace et de fierté !
Qui sait si le maudit, au lieu qu’il a quitté,
Ne laisse point un cœur qu’il chérit et qui l’aime ?
Mais, quoi ! Bélisana, n’est-ce point un blasphème
Que ton âme murmure en suivant ce penser ?
Que de sang sur la Gaule ! et n’en vois-tu chasser
Les autels de tes dieux, et la liberté sainte ?
Non, non ! point de pitié ! vite quittons l’enceinte ;
Sur le granit vengeur immolons la victime !
Terrible, du Dolmen elle gagne la cime !
Braves, Romain, héros, chefs avides de sang,
Sortent de la tombelle et vont, d’un premier rang,
Entourer la prêtresse à la fatale pierre ;
Puis, des autres guerriers le cercle de lumière
Agite ses flambeaux et resserre ses feux ;
Bélisana se tait. Flamme, robe, cheveux,
Tournoyant en délire au souffle de l’orage,
De la tempête en font la déesse et l’image.
Au ciel brisé se tord le funèbre rideau ;
Sur l’astre pâle court un lugubre bandeau ;
L’air tourbillonne et fuit, trompette rugissante ;
Le flot roule en fureur sa vague mugissante ;
Le flanc de Gavr-Ynys en frémit et se plaint ;
Dans les cœurs bout la haine, et sur les fronts se peint
Des fils de Teutatès la sauvage énergie :
De vengeance et d’espoir c’est une vaste orgie !
La druidesse, enfin, sur ces vaillants guerriers,
Qu’elle voudrait parer de glorieux lauriers,