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C’est l’heure des esprits, le règne des ténèbres.
Leur roi semble doubler tous ses voiles funèbres
Pour éteindre, s’il peut, le glorieux regard,
Le sourire d’amant qu’Héol, tôt ou tard,
Dans un divin baiser au front de son amante,
S’apprête à lui jeter sous l’éternelle tente.
Et nuages et vents, (contre Bélisana
La jalousie, hélas, toujours se déchaîna)
Dans la nuit soulevés, préparent leurs tempêtes.
Le Mor a tressailli ; sur ses mouvantes crêtes
Loin du souffle en délire et du gouffre irrité,
Fuyant la grande mer, bravant l’obscurité,
Le prudent goëland vient chercher un asile,
Là-bas, près du rivage, ici derrière l’île.
Partout reflets blafards autour de Gavr-Ynys !
L’obscur îlot se dresse, ainsi que du dieu Dis
Le trône inébranlable, assis sur les abîmes,
Entre les flots du Mor et les vagues sublimes
Que roule, en écumant, l’océan courroucé.
Son flanc battu gémit, et le flot repoussé
Jette à la nuit l’écho d’une fière impuissance.
En vain le vent mugit ; de l’ombre la plus dense
En vain le dieu des Cairns redouble encor le pli,
Voici Bélisana, qui, le temps accompli,
Sur l’horizon lointain pose son front de reine,
Y reçoit aussitôt la splendeur souveraine
Du souriant amant, de l’astre radieux ;
De son front de déesse, en gravissant les cieux,
Lève le vaste pan du manteau des ténèbres,
Chasse par son regard tous les voiles funèbres.
Et devant son éclat ne laisse plus passer
Que le nuage errant qui ne peut le blesser.
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