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patriotisme qui naît des variétés locales, seul genre de patriotisme véritable, renaître comme de ses cendres, dès que la main du pouvoir allège un instant son action. Les magistrats des plus petites communes se complaisent à les embellir. Ils en entretiennent avec soin les monumens antiques. Il y a presque dans chaque village un érudit, qui aime à raconter ses rustiques annales, et qu’on écoute avec respect. Les habitans trouvent du plaisir à tout ce qui leur donne l’apparence, même trompeuse, d’être constitués en corps de nation, et réunis par des liens particuliers. On sent que s’ils n’étoient arrêtés dans le développement de cette inclination innocente et bienfaisante, il se formeroit bientôt en eux une sorte d’honneur communal, pour ainsi dire, d’honneur de ville, d’honneur de province, qui seroit à la fois une jouissance et une vertu. Mais la jalousie de l’autorité les surveille, s’alarme, et brise le germe prêt à éclore.

L’attachement aux coutumes locales tient à tous les sentimens désintéressés, nobles et pieux. Quelle politique déplorable que celle qui en fait de la rébellion ! Qu’arrlve-t-il ? que dans tous les États où l’on détruit ainsi toute vie partielle, un petit État se forme au centre : dans la capitale s’agglomèrent tous les intérêts ; là vont s’agiter toutes les ambitions ; le reste est immobile. Les individus,