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ils sombloient craindre qu’une idée morale ne pût se rattacher a ce qu’ils instituoient !

Le despotisme, qui a remplacé la démagogie, et qui s’est constitué légataire du fruit de tous ses travaux, a persisté très habilement dans la route tracée. Les deux extrêmes se sont trouvés d’accord sur ce point, parce qu’au fond, dans les deux extrêmes, il y avoit volonté de tyrannie. Les intérêts et les souvenirs qui naissent des habitudes locales contiennent un germe de résistance que l’autorité ne souffre qu’à regret, et qu’elle s’empresse de déraciner. Elle a meilleur marché des individus ; elle roule sur eux sans efforts son poids énorme comme sur du sable.

Aujourd’hui, l’admiration pour l’uniformité, admiration réelle dans quelques esprits bornés, affectée par beaucoup d’esprits serviles, est reçue comme un dogme religieux, par une foule d’échos assidus de toute opinion favorisée.

Appliqué à toutes les parties d’un empire, ce principe doit l’être à tous les pays que cet empire peut conquérir. Il est donc actuellement la suite immédiate et inséparable de l’esprit de conquête.

Mais chaque génération, dit l’un des étrangers qui a le mieux prévu nos erreurs dès l’origine, chaque génération hérite de ses aïeux un trésor de richesses morales, trésor