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l’apologie du système des conquêtes ne pourroit reposer que sur le sophisme et l’imposture.

Tout en s’abandonnant à ses projets gigantesques, le gouvernement n’oseroit dire à sa nation : Marchons à la conquête du Monde. Elle lui répondroit d’une voix unanime : Nous ne voulons pas la conquête du Monde.

Mais il parleroit de l’indépendance nationale, de l’honneur national, de l’arrondissement des frontières, des intérêts commerciaux, des précautions dictées par la prévoyance ; que sais-je encore ? car il est inépuisable, le vocabulaire de l’hypocrisie et de l’injustice.

Il parleroit de l’indépendance nationale, comme si l’indépendance d’une nation étoit compromise, parce que d’autres nations sont indépendantes.

Il parleroit de l’honneur national, comme si l’honneur national étoit blessé, parce que d’autres nations conservent leur honneur.

Il allégueroit la nécessité de l’arrondissement des frontières, comme si cette doctrine, une fois admise, ne bannissoit pas de la terre tout repos et toute équité. Car c’est toujours en dehors qu’un gouvernement veut arrondir ses frontières. Aucun n’a sacrifié, que lon sache, une portion de son territoire pour donner au reste une plus grande régularité géométrique. Ainsi l’arrondissement des frontières est un système dont la base se détruit par