Page:Constant - De l'esprit de conquête, Ficker, 1914.djvu/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE VIII

Action d’un gouvernement conquérant
sur la masse de la nation


J’ai montré, ce me semble, qu’un gouvernement, livré à l’esprit d’envahissement et de conquête, devroit corrompre une portion du peuple, pour qu’elle le servît activement dans ses entreprises. Je vais prouver actuellement, que, tandis qu’il dépraveroit cette portion choisie, il faudroit qu’il agît sur le reste de la nation dont il réclameroit l’obéissance passive et les sacrifices, de manière à troubler sa raison, à fausser son jugement, à bouleverser toutes ses idées.

Quand un peuple est naturellement belliqueux, l’autorité qui le domine n’a pas besoin de le tromper, pour l’entraîner à la guerre. Attila montroit du doigt à ses Huns, la partie du monde sur laquelle ils dévoient fondre, et ils y couroient, parce qu’Attila n’étoit que l’organe et le représentant de leur impulsion. Mais de nos jours, la guerre ne procurant aux peuples aucun avantage, et n’étant pour eux qu’une source de privations et de souffrances,