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délits politiques, donnant ainsi, par une dérision féroce, pour juge à l’opinion et à la pensée, le courage sans lumière et la soumission sans intelligence. Ils ne croiront pas non plus qu’on ait imposé à des guerriers revenant de la victoire, couvert de lauriers que rien n’avoit flétris, l’horrible tâche de se transformer en bourreaux, de poursuivre, de saisir, d’égorger des concitoyens, dont les noms, comme les crimes, leur étoient inconnus. Non, tel ne fut jamais, s’écrieront-ils, le prix des exploits, la pompe triomphale ! Non, ce n’est pas ainsi que les défenseurs de la France reparoissoient dans leur patrie, et saluoient le sol natal !

La faute, certes, n’en étoit pas à ces défenseurs. Mille fois je les ai vus gémir de leur triste obéissance. J’aime à le répéter, leurs vertus résistent, plus que la nature humaine ne permet de l’espérer, à l’influence du système guerrier et à l’action d’un gouvernement qui veut les corrompre. Ce gouvernement seul est coupable, et nos armées ont seules le mérite de tout le mal qu’elles ne font pas.