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leur vie, pour forcer les générations qui les remplaçaient à conquérir, par de nouveaux exploits, de nouveaux trésors. La richesse leur étoit donc précieuse comme témoignage éclatant des victoires remportées, plutôt que comme signe représentatif et moyen de jouissances.

Mais si une race purement militaire se formoit actuellement, comme son ardeur ne reposeroit sur aucune conviction, sur aucun sentiment, sur aucune pensée, comme toutes les causes d’exaltation qui, jadis, ennoblissoient le carnage même, lui seroient étrangères, elle n’auroit d’aliment ou de mobile que la plus étroite et la plus âpre personnalité. Elle prendroit la férocité de l’esprit guerrier, mais elle conserveroit le calcul commercial. Ces Vandales, ressuscités n’auroient point cette ignorance dû luxe, cette simplicité de moeurs, cet dédain de toute action basse, qui pouvoient caractériser leurs grossiers prédécesseurs. Ils réuniroient à la brutalité de la barbarie les raffinements de la mollesse, aux excès de la violence, les rusés de l’avidité.

Des hommes à qui l’on auroit dit bien formellement qu’ils ne se battent que pour piller, des hommes dont on auroit réduit toutes les idées belliqueuses à ce résultat clair et arithmétique, seroient bien différents des guerriers de l’antiquité.