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sion. C’est une tentative pour obtenir de gré à gré ce qu’on n’espère plus conquérir par la violence. Un homme qui seroit toujours le plus fort n’auroit jamais l’idée du commerce. C’est l’expérience qui, en lui prouvant que la guerre, c’est-à-dire l’emploi de sa force contre la force d’autrui, est exposée à diverses résistances et à divers échecs, le porte à recourir au commerce, c’est-à-dire, à un moyen plus doux et plus sûr d’engager l’intérêt des autres à consentir à ce qui convient à son intérêt.

La guerre est donc antérieure au commerce. L’une est l’impulsion sauvage, l’autre le calcul civilisé. Il est clair que plus la tendance commerciale domine, plus la tendance guerrière doit s’affoiblir.

Le but unique des nations modernes, c’est le repos, avec le repos l’aisance, et comme source de l’aisance, l’industrie. La guerre est chaque jour un moyen plus inefficace d’atteindre ce but. Ses chances n’offrent plus ni aux individus ni aux nations des bénéfices qui égalent les résultats du travail paisible, et des échanges réguliers. Chez les anciens, une guerre heureuse ajoutoit, en esclaves, en tributs, en terres partagées, à la richesse publique et particulière. Chez les modernes, une guerre heureuse coûte infailliblement plus qu’elle ne rapporte.

La République romaine, sans commerce,