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l’exemple de Louis XIV nous a fait du mal, même sous Bonaparte. Il est donc utile d’empêcher qu’il ne nous en fasse encore aujourd’hui. Mme de Staël termine ses observations sur Louis XIV par une remarque pleine de force et de vérité. « Il ne faut jamais, dit-elle, juger des despotes par les succès momentanés que l’extension même du pouvoir leur fait obtenir. C’est l’état dans lequel ils laissent le pays à leur mort ou à leur chute, c’est ce qui reste de leur règne, qui révèle ce qu’ils ont été ». C’est là, en effet, le véritable point de vue sous lequel il faut considérer ce règne de Louis XIV, dont la durée avait tellement fatigué la France, qu’au décès du monarque, le premier mouvement du peuple fut de troubler ses funérailles, et la première mesure du parlement de désobéir à sa volonté. Quand les enthousiastes de l’aristocratie s’évertuent à le célébrer, ils sont plus généreux qu’ils ne croient ; car ils célèbrent l’auteur de leur perte. Les préférences de Louis XIV achevèrent l’ouvrage des rigueurs de Richelieu. La noblesse, désarmée sous Louis XIII, devint odieuse sous son successeur. Le dix-huitième siècle ne fit qu’obéir à l’impulsion qu’une trop longue compression avait rendue plus forte. La révolution de I789 se fit spécialement contre les privilèges. La royauté, qui n’était point menacée, voulut en vain s’identifier à une cause qui n’était pas la sienne. Entraînée momentanément dans la chute commune,