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religionnaires étaient rigoureuses, et que les lois contre les émigrés étaient atroces » ; mais je n’ai point découvert pourquoi ce qui était atroce en I793, n’était que rigoureux un siècle plus tôt, et je persiste à croire que les crimes sont des crimes et les cruautés des cruautés, quelle que soit l’autorité qui s’en rende coupable. Pour ce qui regarde la part qu’il faut attribuer à l’autorité royale dans les travaux et les succès de notre littérature, il me semble qu’on sert mieux la gloire nationale, en montrant que le talent se développa par sa propre force, dès que la fin des guerres civiles eut rendu à l’esprit français quelque sécurité et quelque repos, qu’en cherchant à présenter nos grands écrivains comme des enfants de la protection et des créatures de la faveur. Arnaud, Pascal, Port-Royal tout entier, Fénelon, Racine, sont les preuves des bornes étroites, de l’intolérance altière, de l’inconstance capricieuse de cette faveur si vantée ; et, tout en plaignant ces génies supérieurs, les uns persécutés, les autres affligés par un despote, nous pouvons, en quelque sorte, aujourd’hui qu’ils reposent dans la tombe, nous féliciter des injustices qu’ils ont subies. Ils nous ont épargné la douleur de croire que l’espèce humaine dépend de l’arbitraire d’un homme, et que tant de germes féconds seraient demeurés stériles, tant de facultés éminentes inactives, tant de voix éloquentes