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moment ce que les siècles avaient préparé ». Cette observation est pleine de justesse. Beaucoup de gens ne voient la cause des événements du jour que dans les hasards de la veille. A les entendre, si l’on eût empêché tel mouvement partiel, rien de ce qui a eu lieu ne serait arrivé ; en comblant le déficit des finances, on eût rendu inutile la convocation des États Généraux ; en faisant feu sur le peuple qui entourait la Bastille, on eût prévenu l’insurrection ; si l’on eût repoussé le doublement du tiers, l’Assemblée Constituante n’eût pas été factieuse ; et si l’on eût dispersé l’Assemblée Constituante, la révolution n’eût pas éclaté. Spectateurs aveugles, qui ne voient pas que le déficit dans les finances n’était pas une cause, mais un effet, et que la même forme de gouvernement qui avait produit ce déficit en eût bientôt ramené un autre, parce que la dilapidation est la compagne constante de l’arbitraire ; que ce ne fut pas une fantaisie subite dans les habitants de Paris que la destruction de la Bastille, et que la Bastille, préservée aujourd’hui, aurait été menacée de nouveau demain, parce que lorsque la haine des vexations a soulevé un peuple, ce n’est pas en protégeant les vexations par l’artillerie, mais en y mettant un terme, qu’on rétablit une paix durable ; que le doublement du tiers ne fit que donner des organes de plus à une opinion qui, privée d’organes, s’en fût créé de plus