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qu’une égale inexpérience, et dont les opinions, rédigées en quelques phrases tranchantes, étaient violentes comme des préjugés et inflexibles comme des principes, on sentira qu’aucune énergie, aucune prudence humaine, ne pouvait maîtriser de tels éléments. C’est ce que Mme de Staël démontre, et elle justifie très bien son père contre ceux qui l’accusent d’avoir mis ces éléments en fermentation. Elle décrit, d’une manière juste et rapide, l’état de l’opinion en I789. La monarchie, sinon absolue, du moins arbitraire, avait, sous Louis XIV, fatigué la nation par des guerres toujours inutiles, enfin malheureuses, et l’avait aliénée sous la régence, par le spectacle de la corruption, et sous Louis XV, par celui de l’insouciance et de la faiblesse. Les grands corps de la magistrature réclamaient des droits sans base, et faisaient valoir des prétentions sans limites. Les membres du clergé, tout en professant, comme un devoir de forme, les maximes héréditaires d’une intolérance usée, se donnaient le mérite d’afficher une incrédulité alors à la mode. La noblesse avait contre elle la perte de sa puissance, la conservation de ses privilèges, et les lumières mêmes des nobles les plus éclairés. Le tiers état réunissait toutes les forces réelles, le nombre, la richesse, l’industrie, et se voyait pourtant contester l’égalité de fait, qui était dans l’ordre existant, et l’égalité de droit, qui est imprescriptible. Enfin, les