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causes particulières, parce que sa société intime se composait de ces grands seigneurs, dont plusieurs par amour du bien, quelques-uns par vanité, d’autres par l’inquiétude d’une activité non employée, favorisaient les réformes et les changements qui se préparaient. Douée d’un esprit d’observation admirable, qui l’emportait malgré elle sur ses affections privées, Mme de Staël ne pouvait s’empêcher de remarquer ce qu’il y avait de naturel ou de factice, de généreux ou de calculé, dans le dévouement de ces classes supérieures, qui s’acquittèrent pendant quelque temps avec élégance et avec un succès payé chèrement ensuite, du rôle brillant d’organes de l’opinion populaire. Le temps, qui nécessairement refroidit les affections lorsqu’elles ne sont pas fondées sur une complète sympathie, avait achevé de donner aux jugements de Mme de Staël le mérite de l’impartialité, à l’époque où elle entreprit de se rendre compte de ce qui s’était passé sous ses yeux. Sans doute, si elle eût voulu peindre plus souvent et plus en détail les individus, son ouvrage, en descendant à un rang moins élevé, comme composition littéraire, aurait gagné peut-être en intérêt anecdotique. On ne peut s’empêcher de regretter qu’elle n’ait pas appliqué à la peinture des caractères politiques le talent qu’elle a déployé dans le roman de Delphine. Personne n’aurait raconté avec plus de grâce et avec des expressions plus