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d’expériences douloureuses, Mme de Staël l’a réalisée dans le caractère de M. de Maltigues, et, sous ce rapport aussi, Corinne est une production du résultat le plus utile et le plus moral. Je passe maintenant dans une autre sphère, et le lecteur sera frappé, je le pense, de cette variété de talent, de cette universalité de vues, qui transforme en écrivain politique du premier ordre l’observateur ingénieux des faiblesses de notre nature, et le peintre fidèle des souffrances du cœur. Dès l’instant où la mort eut frappé le père de Mme de Staël, elle conçut le projet d’écrire l’histoire de la vie politique de cet homme illustre. Les persécutions dont elle fut l’objet, l’éducation de ses enfants, ses voyages dans toute l’Europe, une foule de distractions, enfin, les unes douloureuses, les autres brillantes, retardèrent l’exécution du dessein qu’elle avait formé, et son sujet s’agrandit à son insu devant elle. Le propre des esprits supérieurs, c’est de ne pouvoir considérer les détails, sans qu’une foule d’idées ne se présente à eux sur l’ensemble auquel ces détails appartiennent. Bien que mme de Staël fût très jeune lorsque la Révolution éclata, elle se trouvait mieux placée que personne pour en démêler toutes les causes, les causes générales, parce qu’elle rencontrait sans cesse, dans la maison de M. Necker, les hommes qui alors dirigeaient, ou, pour mieux dire, exprimaient l’opinion ; les