Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/123

Cette page n’a pas encore été corrigée

tous les liens qu’il a formés. On veut donner à la vertu l’air de la duperie, et faire passer le vice pour la grande pensée d’une âme forte. Il faut s’attacher à faire sentir avec talent que l’immoralité du cœur est aussi la preuve des bornes de l’esprit ; il faut parvenir à mettre en souffrance l’amour-propre des hommes corrompus, et donner au ridicule une direction nouvelle. Ces hommes, qui veulent faire recevoir leurs vices et leurs bassesses comme des grâces de plus, dont la prétention à l’esprit est telle qu’ils se vanteraient presque à vous-mêmes de vous avoir trahi, s’ils n’espéraient pas que vous le saurez un jour ; ces hommes, qui veulent cacher leur incapacité par leur scélératesse, se flattant que l’on ne découvrira jamais qu’un esprit si fort contre la morale universelle est si faible dans ses conceptions politiques ; ces caractères si indépendants de l’opinion des hommes honnêtes, et si tremblants devant celle des hommes puissants, ces charlatans de vices, ces frondeurs des principes élevés, ces moqueurs des âmes sensibles, c’est eux qu’il faut vouer au ridicule ; il faut les dépouiller comme des êtres misérables, et les abandonner à la risée des enfants[1]. Cette conception neuve, forte de vérité, puissante d’amertume, et empreinte d’une indignation à laquelle on voit se mêler le souvenir

  1. De la littérature, etc. (Note de Benjamin Constant.)