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je ne sais quoi de léger qui ne remplit pas sa mâle poitrine. Cette poésie, ces beaux-arts, ces tableaux, cette musique, lui semblent les parures de la vie ; mais la vie elle-même, la vie active, utile et noblement occupée, il se demande où elle est, et la cherche vainement autour de lui. indépendamment du caractère d’Oswald, il y en a, dans Corinne, plusieurs autres qui décèlent une profonde connaissance de la nature et du cœur humain. Je n’en indiquerai que trois, Lucile, le comte d’Erfeuil et de M. de Maltigues. Le portrait de Lucile se compose d’une foule de traits épars qu’il serait impossible d’extraire et de réunir sans leur faire perdre leur délicatesse et quelque chose de leur vérité. Jamais on n’a revêtu de couleurs plus fraîches, plus douces et plus pures à la fois, le charme de la jeunesse, de la pudeur tremblante, du mystère qui l’entoure et la protège, et de cette réserve craintive qui, par je ne sais quel pressentiment des maux de la vie, paraît demander grâce d’avance à une destinée qu’elle ignore encore. Le tableau des relations contraintes de lord Nelvil et de Lucile, qu’il a épousée, sont décrites avec une finesse d’observation admirable. Il n’est personne peut-être qui n’ait, plus d’une fois dans la vie, été dans une situation pareille, dans une situation où le mot nécessaire, toujours sur le point d’être prononcé, ne l’était jamais, où l’émotion qui aurait été décisive,