Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/113

Cette page n’a pas encore été corrigée

le redire, il y a, dans la contemplation du beau en tout genre, quelque chose qui nous détache de nous-mêmes, en nous faisant sentir que la perfection vaut mieux que nous, et qui, par cette conviction, nous inspirant un désintéressement momentané, réveille en nous la puissance du sacrifice, puissance mère de toute vertu. Il y a dans l’émotion, quelle qu’en soit la cause, quelque chose qui fait circuler notre sang plus vite, qui nous procure une sorte de bien-être, qui double le sentiment de nos forces, et qui par là nous rend susceptibles d’une élévation, d’un courage, d’une sympathie au-dessus de notre disposition habituelle. Corinne n’est point représentée comme une personne parfaite, mais comme une créature généreuse, sensible, vraie, incapable de tout calcul, entraînée par tout ce qui est beau, enthousiaste de tout ce qui est grand, dont toutes les pensées sont nobles, dont toutes les impressions sont pures, lors même qu’elles sont inconsidérées. Son langage est toujours d’accord avec ce caractère, et son langage fait du bien à l’âme. Corinne est donc un ouvrage moral. Je ne sais pourquoi cette morale qui, résultant des émotions naturelles, influe sur la teneur générale de la vie, parait déplaire à beaucoup de gens. Serait-ce précisément parce qu’elle s’étend à tout, et que, se confondant avec notre disposition tout entière, elle modifie