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questions peuvent être résolues par l’affirmative, plus l’ouvrage approche de la perfection. Corinne est une femme extraordinaire, enthousiaste des arts, de la musique, de la peinture, surtout de la poésie ; d’une imagination exaltée, d’une sensibilité excessive, mobile à la fois et passionnée ; portant en elle-même tous les moyens de bonheur, mais accessible en même temps à tous les genres de peine ; ne se dérobant à la souffrance qu’à l’aide des distractions ; ayant besoin d’être applaudie, parce qu’elle a la conscience de ses forces, mais ayant plus encore besoin d’être aimée ; menacée ainsi toujours d’une destinée fatale, n’échappant à cette destinée qu’en s’étourdissant, pour ainsi dire, par l’exercice de ses facultés, et frappée sans ressource dès qu’un sentiment exclusif, une pensée unique s’est emparée de son âme. Pourquoi, dira-t-on, choisir pour héroïne une telle femme ? Veut-on nous l’offrir pour modèle ? Et quelles leçons son histoire peut-elle nous présenter ? Pourquoi choisir pour héroïne une telle femme ? Parce que ce caractère s’identifiait mieux qu’un autre, et je dirai même s’identifiait seul avec la contrée que l’écrivain voulait peindre ; et c’est là l’idée heureuse dans l’ouvrage de Mme de Staël. Elle n’a point, ainsi que les auteurs qui, avant elle, ont prétendu réunir deux genres divers, promené froidement un étranger au milieu d’objets nouveaux, qu’il