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on croyait encore s’entretenir avec elle ; on lui rapportait toutes les pensées que des objets nouveaux faisaient naître : ses amis ajournaient, pour ainsi dire, une portion de leurs sentiments et de leurs idées jusqu’à l’époque où ils espéraient la retrouver. Ce n’était pas seulement dans les situations paisibles que Mme de Staël était la plus aimable des femmes et la plus attentive des amies ; dans les situations difficiles, elle était encore, comme nous l’avons dit, la plus dévouée. Si je voulais en fournir des preuves, j’en appellerais, sans hésitation, à un homme auquel l’étendue et la flexibilité de son esprit, l’habileté de sa conduite à toutes les époques, et sa participation presque constante aux plus grands événements qui ont marqué le premier quart de ce siècle, ont fait une réputation européenne. Lorsque, relégué par la proscription dans une contrée lointaine, dont la simplicité pesait à son âme habituée aux jouissances d’une civilisation très avancée, il supportait avec peine l’ennui des mœurs commerciales et républicaines, Mme de Staël, au sein des agitations politiques et des distractions de la capitale, devinait cet ennui comme par une sympathie d’affection qui lui faisait éprouver pour un autre ce qu’elle n’aurait pas ressenti pour elle-même. Ce fut elle qui, par sa persistance, obtint, bien que suspecte à un gouvernement ombrageux, à des néophytes en liberté, qui travestissaient