Page:Constant - Adolphe.djvu/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rencontrent ne devinent les sentiments que je porte en moi ; je m’arrête ; je marche à pas lents : je retarde l’instant du bonheur, de ce bonheur que tout menace, que je me crois toujours sur le point de perdre ; bonheur imparfait et troublé, contre lequel conspirent peut-être à chaque minute et les événements funestes et les regards jaloux, et les caprices tyranniques et votre propre volonté ! Quand je touche au seuil de votre porte, quand je l’entr’ouvre, une nouvelle terreur me saisit : je m’avance comme un coupable, demandant grâce à tous les objets qui frappent ma vue, comme si tous étaient ennemis, comme si tous m’enviaient l’heure de félicité dont je vais encore jouir. Le moindre son m’effraie, le moindre mouvement autour de moi m’épouvante, le bruit même de mes pas me fait reculer. Tout près de vous je crains encore quelque obstacle qui se place soudain entre vous et moi. Enfin je vous vois, je vous vois et je respire, et je vous contemple et je m’arrête,