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ceur un pays de peu d’étendue, protégeait les hommes éclairés qui venaient s’y fixer, laissait à toutes les opinions une liberté parfaite, mais qui, borné par l’ancien usage à la société de ses courtisans, ne rassemblait par là même autour de lui que des hommes en grande partie insignifiants ou médiocres. Je fus accueilli dans cette cour avec la curiosité qu’inspire naturellement tout étranger qui vient rompre le cercle de la monotonie et de l’étiquette. Pendant quelques mois, je ne remarquai rien qui pût captiver mon attention. J’étais reconnaissant de l’obligeance qu’on me témoignait ; mais tantôt ma timidité m’empêchait d’en profiter, tantôt la fatigue d’une agitation sans but me faisait préférer la solitude aux plaisirs insipides que l’on m’invitait à partager. Je n’avais de haine contre personne, mais peu de gens m’inspiraient de l’intérêt ; or, les hommes se blessent de l’indifférence ; ils l’attribuent à la malveillance ou à l’affectation ; ils ne veulent pas croire qu’on s’ennuie avec eux