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Cet événement m’avait rempli d’un sentiment d’incertitude sur la destinée, et d’une rêverie vague qui ne m’abandonnait pas. Je lisais de préférence dans les poëtes ce qui rappelait la brièveté de la vie humaine. Je trouvais qu’aucun but ne valait la peine d’aucun effort. Il est assez singulier que cette impression se soit affaiblie précisément à mesure que les années se sont accumulées sur moi. Serait-ce parce qu’il y a dans l’espérance quelque chose de douteux, et que, lorsqu’elle se retire de la carrière de l’homme, cette carrière prend un caractère plus sévère, mais plus positif ? Serait-ce que la vie semble d’autant plus réelle, que toutes les illusions disparaissent, comme la cime des rochers se dessine mieux dans l’horizon lorsque les nuages se dissipent ?

Je me rendis, en quittant Gottingue, dans la petite ville de D***. Cette ville était la résidence d’un prince qui, comme la plupart de ceux de l’Allemagne, gouvernait avec dou-