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objets de son affection. Nul doute que, dans une tragédie grecque, le chœur n’eût alors pris la parole, pour réduire en maximes les sentiments qui se pressent en foule dans l’âme du spectateur. Schiller, n’ayant pas cette ressource, y supplée par l’arrivée d’une noce champêtre qui passe, au son des instruments, près des lieux où Tell est caché. Le contraste de la gaieté de cette troupe joyeuse et de la situation de Guillaume Tell suggère à l’instant au spectateur toutes les réflexions que le chœur aurait exprimées. Guillaume Tell est de la même classe que ces hommes qui marchent ainsi dans l’insouciance. Il est pauvre, inconnu, laborieux, innocent comme eux. Comme eux, il paraissait n’avoir rien à craindre d’un pouvoir élevé si fort au-dessus de lui, et son obscurité, pourtant, ne lui a pas servi d’asile. Le chœur des Grecs eût développé cette vérité dans un langage sentencieux et poétique. La tragédie allemande la fait ressortir avec non moins de force par l’appari-