Page:Constant - Adolphe.djvu/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour l’autre une question injurieuse, un soupçon insultant. Comme si elle se repentait d’avoir obéi, la femme donne à toutes ses prières la forme d’un commandement. Si elle surprend dans le regard qu’elle épie un projet où elle ne soit pas de moitié, elle s’empresse aux larmes comme à une vengeance, elle inflige comme un châtiment ses caresses menteuses. Pour justifier son ennui et son abattement, elle interroge, comme un juge, toutes les actions qu’autrefois elle approuvait sans contrôle. Dès que son amant fait un pas, il trouve devant lui un œil curieux qui attend sa réponse ; s’il s’échappe un instant, il trouve au retour une bouche impérieuse dont chaque baiser est un ordre sans réplique. Elle voudrait lui trouver des torts pour éviter ses reproches, et, dans l’espérance de surprendre une faute, elle interroge toutes les minutes de sa journée.

Dans la solitude, après les défaillances désespérées, après les renoncements éplorés, il arrive à l’âme de refleurir et se relever. Elle aspire librement l’air qui l’environne, elle s’épanouit sous la chaude haleine qui ride l’eau en passant, et lui porte une vapeur féconde. Mais dans l’intimité sans amour, rien de pareil n’est