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se convaincra, ou croira se convaincre de la réalité de son amour ; et Ellénore tombera dans le même piège.

Mais après le dernier abandon, le réveil sera terrible. À peine maître de la place qu’il a si vivement assiégée, il ne saura que faire de sa victoire. Après avoir constaté par la possession un amour si ardemment désiré, il tremblera devant la durée de son engagement. En vue des années qui vont suivre, il sentira défaillir son courage et regrettera l’extase qu’il avait à peine espérée.

Ellénore, après la confusion de la défaite, ouvrira les yeux, et cherchera vainement autour d’elle les félicitations respectueuses sur lesquelles elle avait compté ; au fond de son cœur, elle rougira de son inconstance, et doutera d’un bonheur si facile à changer.

Peu à peu, entre ces deux âmes trompées, mais toutes deux trop fières pour l’avouer, il s’établira une intimité douloureuse et résignée, intimité de mensonge et d’hypocrisie, fertile en subterfuges et en flatteries, prodigue de caresses et de baisers ; cherchant à se distraire en affirmant sans cesse ce qu’elle ne croit pas.

Aucun des deux ne voudra être vaincu en générosité, et, pour ne pas laisser entrevoir son