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déception, et l’égoïsme habile et désintéressé serait la première des vertus, le plus raisonnable des devoirs.

Arrivé à cette crise douloureuse, il faut qu’Ellénore meure ou se rajeunisse. Courbée sous le poids de l’ingratitude, elle n’a plus qu’à s’endormir du sommeil éternel, si elle ne se réveille pas pour un nouvel amour. Celui qu’elle a condamné dans son cœur, fût-il moins coupable, ne saurait imposer silence à l’acharnement de ses soupçons. S’il n’a pas vraiment méconnu son amour, s’il n’a pas oublié ses sacrifices, s’il a seulement négligé de la bénir et de la remercier chaque jour comme il devait le faire, peu importe à celle qui souffre : il y a des larmes que nulle prière ne peut sécher. Quand ces douleurs et ces larmes sont venues, l’amour s’éteint et se réduit en cendres.

Quand Ellénore et Adolphe se rencontrent, chacun des deux est préparé à l’enthousiasme et au dévouement. Le découragement et la vanité, qui sembleraient devoir s’exclure, se rapprochent et s’apprivoisent rapidement. Adolphe choisit Ellénore entre toutes les femmes, non pour la relever et la soutenir, car il ne la connaît pas assez pour sympathiser avec son cha- -