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Arrivé au milieu de la campagne, je ralentis ma marche, et mille pensées m’assaillirent. Ces mots funestes : « Entre tous les genres de succès et vous, il existe un obstacle insurmontable, et cet obstacle c’est Ellénore, » retentissaient autour de moi. Je jetais un long et triste regard sur le temps qui venait de s’écouler sans retour ; je me rappelais les espérances de ma jeunesse, la confiance avec laquelle je croyais autrefois commander à l’avenir, les éloges accordés à mes premiers essais, l’aurore de réputation que j’avais vu briller et disparaître. Je me répétais les noms de plusieurs de mes compagnons d’étude, que j’avais traités avec un dédain superbe, et qui, par le seul effet d’un travail opiniâtre et d’une vie régulière, m’avaient laissé loin derrière eux dans la route de la fortune, de la considération et de la gloire : j’étais oppressé de mon inaction. Comme les avares se représentent dans les trésors qu’ils entassent tous les biens que ces trésors pourraient acheter, j’apercevais dans