Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un gouvernement constitutionnel cesse de droit d’exister aussitôt que la constitution n’existe plus, et une constitution n’existe plus dès qu’elle est violée : le gouvernement qui la viole déchire son titre : à dater de cet instant même, il peut bien subsister par la force, mais il ne subsiste plus par la constitution.

Eh quoi ! répondent ceux qui détruisent les constitutions pour les préserver d’être détruites par d’autres, faut-il les livrer sans défense à leurs ennemis ? Faut-il permettre que ces ennemis s’en servent comme d’une arme ?

Je demande d’abord si, lorsqu’on viole la constitution, c’est bien réellement la constitution que l’on conserve : je réponds que non ; ce que l’on conserve, c’est le pouvoir de quelques hommes qui règnent au nom d’une constitution qu’ils ont anéantie. Remarquez-le bien, étudiez les faits, vous verrez que toutes les fois que des constitutions ont été violées, ce ne sont pas les constitutions, mais les gouvernements que l’on a sauvés.

Soit, me dira-t-on : mais n’est-ce pas un bien que de sauver le gouvernement ? le gouvernement n’est-il pas de première nécessité parmi les hommes ? Et si une constitution est devenue inexécutable, soit par ses défauts intrinsèques, soit par un enchaînement malheureux de circonstances, n’est-il pas salutaire qu’au moins le gouvernement soit en sûreté ?

S’il était prouvé que, par des mesures pareilles, le gouvernement fut en sûreté, j’hésiterais peut-être dans ma réponse.

Je suis enclin, moins que personne, à désirer le bouleversement des formes établies : j’aime presque toujours mieux ce qui existe que ce qui viendrait, parce qu’il y a presque toujours dans ce qui existe des garanties pour la liberté et pour le repos ; mais, précisément parce que